Dans le chapitre qui concerne Zhou, on aborde la coutume des pieds bandés. Pratiquée pendant dix siècles en Chine, elle ne fut interdite qu'en 1912 après la chute de l'empire Qing et réellement abandonnée qu'à l'arrivée des communistes dans les années 1950.
La légende raconte qu’une des concubines de l'empereur Tang Xuanzong (fin de la dynastie Tang 846-859) aurait serré ses pieds à sa demande dans des bandes de tissu pour exécuter la danse traditionnelle du lotus avec plus de grâce. La coutume entre ainsi dans les mœurs et se répand dans toutes les couches de la société, devenant un symbole de féminité, de richesse et de distinction, car les femmes aux pieds bandés ne peuvent travailler qu'à des tâches domestiques simples. Les mères pratiquaient elles-mêmes cette torture sur leurs filles, espérant les marier à des hommes fortunés : la taille idéale à atteindre, le "lotus d'or" était de 7,5 centimètres.
la pratique n’était pas anodine ; beaucoup de petites filles mouraient de septicémie. Le bandage commençait à l'âge de cinq ou six ans, les phalanges étaient ramenées vers l’intérieur, à l’exception du gros orteil, la voûte plantaire courbée, pour donner la forme du bouton de lotus. Quand les fillettes marchaient, elles écrasaient leurs doigts de pied, les os craquaient, les chairs se nécrosaient. Le bandage était noué plus serré, le pied placé dans une chaussure de plus en plus petite au fil des semaines.
L'influence des concessions étrangères à la fin du XIXᵉ siècle fait prendre conscience aux femmes chinoises de l'oppression et la soumission que représente cette pratique. Même l'impératrice Cixi tente en vain de la bannir. En 1912, après la chute de la dynastie Qing, le gouvernement de la République de Chine interdit le bandage des pieds et force les femmes à se libérer en ôtant leurs bandelettes, ce qui s'avère presque aussi traumatisant pour elles. L'interdiction n'est réellement effective qu'après l'accession de Mao au pouvoir en 1949, sous la République populaire de Chine.
Lire : Les Pieds bandés, Li Kunwu, éditions Kana, 2013.